Quand le changement climatique nuit au développement du renouvelable

Dans une partie du nord de la Thaïlande isolée du cœur du pays par la distance et les montagnes, le gouvernement souhaite développer un projet de Smart Grid (réseau intelligent) pour assurer à la région l’autonomie électrique par les énergies renouvelables. Seulement, selon un certain nombre d’autochtones, « les panneaux photovoltaïques réchauffent le climat ». Récit d’une découverte pour le moins surprenante.

Un Smart Grid, mais qu’est-ce que c’est ?

 

Le réseau électrique n’est pas encore parfait à Mae Hong Son

 

Dans la province de Mae Hong Son, les coupures de courant sont fréquentes et s’accentuent en été lorsque la chaleur est telle que les climatiseurs tournent à plein régime. Il arrive que le courant saute plusieurs fois par jour. Certains commerces se sont équipés d’un système alternatif sur batterie qui prend le relai automatiquement dès qu’une coupure intervient. D’autres se sont résignés, attendant le retour de l’électricité, ou bien ferment temporairement.

D’abord assuré par une centrale diesel et un barrage hydroélectrique, l’approvisionnement électrique s’est depuis 2012 affranchi du diesel par un raccordement à la grande ville la plus proche (100 km) et une petite ferme photovoltaïque. Cette formule provisoire, en attendant l’autonomie, ne permet pourtant pas d’éviter les coupures.

le gouvernement Thaï, à travers l’EGAT (Electricity Generating Authority of Thailand) souhaite donc développer un Smart Grid, projet pilote destiné à être reproduit à l’avenir dans d’autres régions isolées.

Un Smart Grid permet d’améliorer considérablement l’efficacité d’un réseau électrique et d’intégrer plus facilement des énergies renouvelables intermittentes, via des compteurs communicants (comme le Linky en France). Au lieu d’une grosse centrale alimentant tous les points de consommation, on peut avec un Smart Grid gérer une multitude de points de production, ce qui permet à chaque habitation, industrie ou service public de consommer et produire de l’électricité avec le meilleur rendement possible.

Pour ce faire, la ferme photovoltaïque devrait passer de 0,5 MW à 3,5 MW courant 2018, assurant avec l’hydroélectricité une base stable, puis de nombreux édifices public recevront une installation solaire, agrandissant petit à petit le parc renouvelable.

 

Schéma technique du Smart Grid de Mae Hong Son 

 

Les panneaux solaires « réchauffent le climat »

La majorité de la population de la région semble favorable à cette initiative. Sans forcément cerner les détails du projet, elle attend de toute façon une amélioration de la situation.

Néanmoins, l’autorité locale de gestion énergétique a refusé de répondre à nos questions face caméra, expliquant certaines tensions autour du projet rendant son développement délicat. Nous apprenons alors que le village de Pha Bong, voisin de la ferme photovoltaïque, refuse son agrandissement.

Le leader du village nous explique que les panneaux solaires « contribuent au réchauffement climatique ». Ils démultiplieraient le rayonnement solaire et entraineraient une augmentation de la température, ainsi qu’une diminution des pluies. Ce qui localement s’avère être une préoccupation importante au vu des besoins d’irrigation des rizières.

C’est en visitant d’autres villages déjà bordés d’une ferme solaire importante que la communauté de Pha Bong a acquis cette certitude. Cette population aurait constaté ces perturbations climatiques, et sans autre source d’information les auraient imputé aux panneaux solaires.

 

Et si on se parlait un peu plus ?

Le problème du manque d’information et d’éducation est ici manifeste, car il est assez basique dans ce domaine de savoir que le changement climatique est un phénomène global, bien que les perturbations puissent être localisées. En l’occurrence, le sud-est asiatique est particulièrement touché, en témoignent les cyclones de plus en plus fréquents sur les côtes Vietnamiennes, Cambodgienne, et les problèmes de sécheresse en Thaïlande. Le réchauffement local est donc du au dérèglement climatique global, et non à l’installation voisine des panneaux solaires.

La ferme photovoltaïque contient pourtant un module éducatif ouvert au public, expliquant de nombreux moyens de collecter l’énergie solaire en fonction des différents besoins. Mais aucune explication sur le changement climatique, ses causes et ses conséquences.

Un centre éducatif autour du Smart Grid est également évoqué dans les documents de l’EGAT, mais au vu du calendrier du projet, tirer les câbles semble primer sur sa mise en place.

Une partie du module éducatif de la ferme solaire de Pha Bong

 

Nous avons cependant pu constater sur place l’ampleur de la difficulté pour l’EGAT. Il existe dans cette région une grande diversité d’ethnies, chacune parlant son propre dialecte. Et le faible taux d’alphabétisation des zones rurales de Thaïlande complexifie le dialogue, même si l’éducation des jeunes s’améliore petit à petit.

De surcroît, les rapports entre l’EGAT et le village semblent faibles. Notre sentiment personnel, même en y ayant passé que peu de temps, est que dans Pha Bong, l’envie d’apprendre et de comprendre est bien présente. En témoigne le leader du village qui, en fin d’interview, a souhaité connaître notre avis sur les panneaux solaires. On a pu sentir une certaine lucidité quant au manque d’information sur le sujet. Ainsi, une issue favorable semble tout à fait atteignable moyennant un effort de communication.

 

Copier-coller, une solution risquée

A nouveau, nous concluons l’étude d’un projet de développement d’énergie renouvelable par un besoin d’éducation, de sensibilisation.

Nous constatons également que l’EGAT souhaite reproduire un modèle déjà appliqué par ailleurs. Hors, cette région du nord de la Thaïlande, qui reçoit moins d’ensoleillement solaire que le sud, concentre une forte activité sismique générant de nombreuses sources d’eau chaude assez peu exploitées, hormis pour les bains. Cette source d’énergie beaucoup plus visuelle et cohérente avec le territoire serait-elle mieux comprise par la communauté locale ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *